Effacé !

17/04/2021

En cet été 1798, Napoléon est en Égypte à la tête de l'armée d'Orient. Il a confié sa cavalerie au général Alexandre Dumas, héros de la Révolution, mulâtre et géant de près de deux mètres. Mais les envahisseurs français ne sont pas accueillis en libérateurs et le 21 octobre une révolte éclate au Caire qui est mise à feu et à sang.

Les rebelles se sont réfugiés dans la mosquée Al-Azhar, leur quartier général. C'est alors que le général Dumas « déboula à cheval dans la mosquée, dispersant les insurgés qui, croyant reconnaître dans le cavalier l'Ange exterminateur du Coran, s'égaillèrent en criant l'ange ! l'ange ! » (1)

Une fois cet exploit accompli et l'ordre rétabli, Bonaparte accueille chaleureusement Dumas et, se retournant vers ceux qui l'entouraient, il déclare qu'un tableau sera réalisé illustrant la prise de la grande mosquée et dont Dumas sera la figure principale.

Mais lorsque Napoléon commande, onze ans plus tard, au peintre Girodet sa fameuse Révolte du Caire qui devait dépeindre la mêlée épique à l'intérieur de la mosquée, l'acteur principal de ce coup de force, le général Dumas, est tout simplement remplacé par un hussard blond aux yeux bleus s'élançant, sabre au clair, sur l'ennemi.

Révolte du Caire par Anne-Louis Girodet-Trioson (1767-1824)
Révolte du Caire par Anne-Louis Girodet-Trioson (1767-1824)

Une telle substitution sera à nouveau de mise des années plus tard par le peintre Henry Léopold Levy (1840-1904) dans son tableau montrant Bonaparte dans la mosquée du Caire, car il faut que ce soit lui et lui seul qui soit le héros de l'épopée. C'est donc Bonaparte qui entre à cheval dans la mosquée et non Dumas.

Bonaparte à la grande mosquée du Caire par Henry Léopold Levy (1840-1904)
Bonaparte à la grande mosquée du Caire par Henry Léopold Levy (1840-1904)

Mais le général Dumas aurait dû se douter des intentions du Corse, car déjà en Italie, les prouesses d'Alexandre Dumas lors de la bataille de Mantoue furent minimisées dans le rapport officiel rédigé par l'aide de camp de Bonaparte pour que toute la gloire revienne à ce dernier.

Terminons en paraphrasant John Edgar Wideman : « les vérités et les mensonges se valent aux yeux du pouvoir et de ses historiens jusqu'à ce qu'ils choisissent ce qui peut servir leurs exigences, leur image à présenter à la postérité. »

(1) Récit d'Antoine-Vincent Arnault, 1766 - 1834, repris par Tom Reiss dans Dumas, le comte noir, p. 291 éd. Flammarion, 2013).

Frank Grognet - Blog historique
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