Astucieuse cavalcade

28/03/2020


Durant la troisième invasion du Portugal menée par le maréchal Masséna de juillet 1810 à avril 1811, le colonel Marbot qui fait partie de son état-major assiste à une tactique astucieuse des cavaliers anglais devant observer les troupes d'invasion pour en rendre compte à leurs supérieurs. Voici ce qu'il en dit :


Dragon léger anglais
Dragon léger anglais

"Pendant le séjour que nous eûmes à Sobral, je fus de nouveau témoin d'une ruse de guerre employée par les Anglais; elle est d'une telle importance que je crois devoir la signaler ici. On a dit bien souvent que les chevaux de pur sang sont inutiles à la guerre, parce qu'ils sont si rares, si coûteux, et qu'ils demandent tant de soins, qu'il est à peu près impossible d'en former un régiment, ni même un escadron. Ce n'est pas ainsi non plus que les Anglais s'en servent en campagne; mais ils ont l'habitude d'envoyer des officiers isolés, montés sur des chevaux de course, observer les mouvements de l'armée qu'ils ont à combattre. Ces officiers pénètrent dans les cantonnements de l'ennemi, traversent sa ligne de marche, se tiennent sur les flancs de ses colonnes pendant des jours entiers, et tout juste hors de la portée du fusil, jusqu'à ce qu'ils aient une idée précise de son nombre et de la direction qu'il suit. Dès notre entrée en Portugal, nous vîmes plusieurs observateurs de ce genre voltiger autour de nous. En vain on essaya de leur donner la chasse, en lançant après eux les cavaliers les mieux montés. Dès que l'officier anglais les voyait approcher, il mettait son excellent coursier au galop, et, franchissant lestement les fossés, les haies et même les ruisseaux, il s'éloignait avec une telle rapidité que les nôtres, ne pouvant le suivre, le perdaient de vue et l'apercevaient peu de temps après à une lieue de là sur le haut de quelque mamelon d'où, le carnet à la main, il continuait à noter ses observations. Cet usage, que je n'ai jamais vu si bien employé que par les Anglais, et que je tâchai d'imiter pendant la campagne de Russie, aurait peut-être sauvé Napoléon à Waterloo, car il eût été prévenu par ce moyen de l'arrivée des Prussiens !... Quoi qu'il en soit, les coureurs anglais, qui depuis notre départ des frontières d'Espagne faisaient le désespoir des généraux français, avaient redoublé d'audace et de subtilité depuis que nous étions devant Sobral. On les voyait sortant des lignes, courir avec la vélocité du cerf à travers les vignes et les rochers, pour examiner les emplacements occupés par nos troupes !... Mais, certain jour qu'il venait d'y avoir entre les tirailleurs des deux partis une légère escarmouche, dans laquelle nous étions restés maîtres du terrain, un voltigeur qui guettait depuis longtemps le mieux monté et le plus entreprenant des coureurs ennemis, dont il avait remarqué les habitudes, contrefit le mort, certain que dès que sa compagnie serait éloignée, l'Anglais viendrait visiter le petit champ de bataille. Il y vint en effet, et fut très désagréablement surpris de voir le prétendu mort se relever à. l'improviste, tuer son cheval d'un coup de fusil, et, courant sur lui la baïonnette en avant, lui prescrire de se rendre, ce qu'il fut contraint de faire !... Ce prisonnier, présenté à Masséna par le voltigeur vainqueur, se trouva être un des plus grands seigneurs d'Angleterre, un Percy, descendant d'un des plus illustres chefs normands, auxquels Guillaume le Conquérant donna le duché de Northumberland, que ses descendants possèdent encore." (1)


(1) Mémoires du général baron Marbot, Tome II, chapitre XXXVI, pp 413-415


Frank Grognet - Blog historique
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