Le maréchal Chaudron

28/03/2020

De juillet 1810 à avril 1811, les armées françaises envahissent pour la troisième fois le Portugal. La première eut lieu en 1807 commandée par Junot, suivie de Soult en 1809, mais celle-ci est de loin la plus importante avec 65 000 hommes et est commandée par le maréchal Masséna, surnommé "l'enfant chéri de la victoire". Toutefois, il a en face de lui un certain Arthur Wellesley, duc de Wellington, qui est à la tête d'une armée anglo-portugaise bien entraînée et de même force. Masséna avance en territoire portugais et après le siège d'Almeida (25 juillet-28 août 1810), il essuie une défaite à Buçaco (27 septembre 1810) ayant sous-estimé les troupes adversaires. Il reprend sa route vers Lisbonne, Wellington recule en bon ordre en demandant aux habitants de pratiquer la politique de la terre brûlée qui va considérablement gêner les Français qui vont se livrer au pillage.

Le 11 octobre 1810, les troupes françaises arrivent en face des fameuses lignes de défense de Torres Vedras (1) érigées par Wellington et qui protègent la capitale portugaise. Sur l'arrière des français, des actions de guérilla sont menées qui affaiblissent chaque jour la force d'invasion qui a des difficultés à se nourrir. De son coté, les britanniques et les portugais sont ravitaillés par le port de Lisbonne. Après 5 mois d'attente infructueuse, Masséna se retire à l'improviste marquant la fin de toute tentative d'invasion de la péninsule portugaise.

Affiche du film "Les lignes de Wellington" (2012)
Affiche du film "Les lignes de Wellington" (2012)

C'est dans ce contexte de harcèlement et de disette que les troupes françaises durent survivre. Dans ses mémoires, le général baron Marbot raconte l'épisode d'un sergent autoproclamé maréchal qui sut tirer parti de la situation, du moins pendant un certain temps. Laissons-lui la parole :  

"Un sergent du 47e de ligne francais, fatigué de la misère dans laquelle se trouvait l'armée, résolut de s'y soustraire pour vivre dans l'abondance. Pour cela, il débaucha une centaine de soldats des plus mauvais sujets, à la tête desquels il alla s'établir au loin sur les derrières, dans un vaste couvent abandonné par les moines, mais encore bien pourvu de meubles et surtout de provisions de bouche, qu'il augmenta infiniment en s'emparant de tout ce qui était à sa convenance dans les environs. Dans sa cuisine, les broches et les marmites étaient constamment sur le feu; chacun y prenait à volonté ; aussi tant par dérision que pour exprimer d'un seul mot me genre de vie qu'on menait chez lui, il se faisait nommer le maréchal Chaudron ! Ce misérable avait fait enlever une grande quantité de femmes et de filles, l'attrait de la débauche, de la paresse et de l'ivrognerie conduisant bientôt vers lui les déserteurs anglais, portugais et francais, il parvint à former de l'écume des trois armées, une bande de près de 500 hommes qui, oubliant leurs anciennes rancunes, vivaient tous en très bonne harmonie, au milieu d'orgies perpétuelles. Ce brigandage durait depuis quelques mois, lorsqu'un détachement de nos troupes, chargé de réunir des vivres devenus plus rares chaque jour, s'étant égaré à la poursuite d'un troupeau jusqu'au couvent qui servait de repaire au prétendu maréchal Chaudron, nos soldats furent très étonnés de voir celui-ci venir à leur rencontre, à la tête de ses bandits, et leur prescrire de respecter ses terres et de rendre le troupeau qu'ils venaient de prendre ! Sur le refus de nos officiers d'obtempérer à cet ordre, le maréchal Chaudron ordonna de faire feu sur le détachement. La plus part des déserteurs francais n'osèrent pas tirer sur leurs compatriotes et anciens frères d'armes ; mais les bandits anglais et portugais ayant obéi, nos gens eurent plusieurs hommes tués et blessés , et n'étant pas assez nombreux pour résister, il furent contraints de se retirer suivis pas tous les déserteurs francais qui se joignirent à eux et vinrent faire leur soumission. Masséna leur pardonna à condition qu'ils marcheraient en tête des trois bataillons destinés à aller attaquer le couvent. Ce repaire ayant été enlevé, après une assez vive résistance, Masséna fit fusiller le maréchal Chaudron, ainsi que le petit nombre de francais restés auprès de lui. Beaucoup d'anglais et de portugais eurent le même sort. les autres furent envoyés à Wellington qui en fît bonne et prompte justice." (2)

(1) Les lignes de Torres Vedras étaient constituées de lignes de forts construits en secret afin de défendre Lisbonne. Ces lignes furent construites, sur ordre de Wellington, par des ouvriers portugais entre novembre 1809 et septembre 18101. Un film intitulé "Les lignes de Wellington" retracent cette épisode historique.

(2) Mémoires du général baron Marbot - Tome II, chapire XXXVI, pp 418-419

Frank Grognet - Blog historique
Tous droits réservés 2018
Optimisé par Webnode
Créez votre site web gratuitement ! Ce site internet a été réalisé avec Webnode. Créez le votre gratuitement aujourd'hui ! Commencer