Vol d'ours

La ville suisse de Berne, capitale de son État, arbore fièrement dans ses armoiries un magnifique plantigrade, mais pourquoi ?

C'est le duc Berthold V de Zähringen qui fonde la ville en 1191 sur les bords de l'Aar. La cité n'est alors qu'un bourg et il faut largement déboiser les environs. Mais avant d'entreprendre une telle tâche, le seigneur veut encore une dernière fois vaquer à son sport favori, la chasse. Il décide que le premier animal qu'il abattra donnera son nom à la ville. Ce fut un ours qui se dit Bär en allemand, mais prononcé Bärn en dialecte local. La ville fut donc baptisée du même nom. Le plantigrade symbolise à la fois la force et la bonhomie propre aux Helvètes.

La ville prospère et devient une ville État florissante au fil des siècles jusqu'en 1798…, date à laquelle un certain Bonaparte s'empare par la force du pays et de sa capitale. Cette invasion fut ressentie comme une humiliation par les Bernois.

Mais les Français n'en restèrent pas là et firent un geste symbolique destiné à affirmer leur domination sur les Suisses. Le 26 mars 1798, ils enlevèrent les ours de la ménagerie de la ville où ils étaient gardés depuis le XVIe siècle pour les emmener à Paris. Seul resta sur place un ourson mort-né que les habitants firent empailler et qui est toujours visible aujourd'hui au musée d'histoire de la ville.

Comble de l'insulte, c'est Junod de Bonvillars, un patriote vaudois, sympathisant français et auparavant vassal des Bernois, qui fut en tête de l'insolite cortège. Victor Théodore Junod naît à Sainte-Croix en 1759. Il devient procureur en 1790 et avocat deux ans plus tard. Dès janvier 1798, il fait connaître et tente de faire appliquer l'arrêté français du 8 nivôse (28 décembre 1797), par lequel le Directoire prendrait sous sa protection Vaudois et Fribourgeois. Il est alors emprisonné par les Bernois et libéré sur intervention française. C'est lui qui conduira les ours de Berne à Paris en 1798.